dimanche 24 janvier 2016

Cartes Postales de Chantal Spitz

Publiées aux Éditions Au Vent  des Îles en 2015, les nouvelles de Chantal Spitz, " Cartes Postales" ont un titre ironique. En effet, l'auteur raconte des histoires dramatiques en contradiction avec l'image idyllique de Tahiti. Âme sensible s'abstenir.

En effet, ces récits sont sordides, on les (re)connaît  car les faits divers s'en font les échos de temps en temps. Pire, on a tous parmi nos connaissances ces épaves , paumés et malheureux dont elle raconte le cheminement.

Pour elle, c'est le système post-colonial qui en est responsable. Je pense qu'elle dirait néo-colonial ou colonial tout court d'ailleurs. Celui qui a amené les essais nucléaires, les salaires surélevés, les valeurs occidentales et a eu pour conséquences le passage d'une économie vivrière à une économie tertiaire factice,la  perte des repères, des identités, l'assistanat,la marginalisation et l'exclusion.

Chantal Spitz a le sens de l'injustice vrillée dans l'âme. Il faut l'entendre en parler lors d'interviews, elle n'est jamais dans le politiquement correct.

Je me rappelle d'une conférence sur le peintre Paul Gauguin à laquelle on l'avait conviée, dans le concert des louanges sur sa peinture, elle osa déclarer qu'il n'était qu'un pédophile, allusion à sa liaison avec une toute jeune fille polynésienne.

On ne reste pas indifférent à Chantal Spitz, elle a écrit deux précédents romans: L'île des rêves écrasés et Hombo.
Le premier dénonce le choix de la Polynésie pour les essais nucléaires. Le récit est un peu manichéen. Les Blancs idiots. Les Tahitiens sages. Les demis ( les métis) mal à l'aise dans leurs doubles identités. Il n'y a que Chantal Spitz pour parler de Blancs , on ne le dit pas à Tahiti, on dit  " popaa",dérivé de "papaa", qui veut dire à plus juste titre " brûlés" par les coups de soleil. Le Tahitien a le sens de l'image. Bref, si l'auteur utilise "Blanc" c'est qu'elle emploie un discours anti-colonial.

Le second roman est admirable de mon point de vue. Il raconte le mal être d'un jeune qui d'abord grandit heureux chez ses grands-parents au mode de vie traditionnel et en  langue  tahitienne mais qui va ensuite mal vivre le déracinement scolaire avec l'usage du français et le mode de vie parental aliéné au mode de vie occidental. La plume de l'auteur est alerte et littéraire( elle aime l'accumulation, l'utilisation de verbes,d'adverbes,de néologismes , l'absence de ponctuation dans ses énumérations est judicieuse, c'est du français détourné de son usage habituel qui traduit l'âme de la langue tahitienne,il me semble, la mise en page de certains passages est poétique,c'est en cela que Chantal Spitz est peut être le seul vrai écrivain tahitien francophone). Le dénouement est ouvert et on imagine une issue possible.

En revanche, je n'ai pas aimé " Cartes Postales" . Les mots sont vulgaires, c'est une diatribe nauséeuse. C'est vraiment une lecture déprimante et qui n'apporte pas d'espoir ni de solution. C'est contribuer à la morosité ambiante. Avec une jeunesse plus instruite mais moins philosophe que les précédentes c'est un recueil qui peut faire plus de mal que de bien.




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